Charles Onana se qualifie de « journaliste d’investigation et essayiste ». Il détient un doctorat de sciences politiques de l’université Lyon III, une université dont l’histoire est parsemée de polémiques racistes et antisémites. Cette dernière a longtemps hébergé des professeurs d’extrême droite : Bernard Lugan (appelé en qualité d’expert par le colonel Bagosora dans son procès au TPIR) et Bruno Gollnisch.
Dans la lignée du journaliste négationniste Pierre Péan dont il revendique l’héritage, il remet en cause l’existence du génocide perpétré contre les Tutsi et opère à l’aide de plusieurs théories négationnistes qui seront déclinées ci-après. Il est un personnage central des réseaux de la négation, actif sur le terrain francophone et prolifique dans ses productions d’ouvrages – au sein de la maison d’édition qu’il dirige – tout comme dans ses sorties médiatiques. Il intervient majoritairement en collaboration avec des médias de la droite dure jusqu’à l’extrême droite à l’image de Causeur et Valeurs Actuelles ainsi qu’au sein de médias plus classiques mais historiquement proches des idées et réseaux négationnistes tels que la BBC, le Point et Marianne.
Qualifié d’auteur négationniste par le journaliste du quotidien libération Christophe Ayad, Onana perd le procès qu’il a intenté pour sa défense en correctionnel ainsi qu’en appel. En 2019, il a été visé par une plainte de l’Association Communauté Rwandaise de France (CRF) suite aux propos tendus sur la chaine LCI le 26 octobre 2019 où il avait alors affirmé qu’« entre 1990 et 1994, il n’y a pas eu de génocide contre les Tutsi, ni contre quiconque ». Il est actuellement poursuivi pour contestation de crime contre l’humanité suite à une plainte déposée le 21 octobre 2020 par Survie, FIDH et Ligue des droits de l’homme visant son livre Rwanda, la vérité sur l’opération turquoise. Ce procès débutera le 7 octobre prochain au Tribunal de Paris.
Charles Onana défend plusieurs théories négationnistes et conspirationnistes :
- La thèse de la négation pure et simple des faits. Ainsi, dès 2005, il déclarait sur la RFI « Dix ans après les faits, le tribunal international ne dispose pas de preuves du génocide des hutus contre leurs compatriotes tutsis ». Plus tard, dans la même veine, il entendra protester contre « la fausse idée que les Tutsis auraient été “victimes d’un génocide” en 1994 au Rwanda et que les rebelles tutsis auraient été les héros de ce drame ».
Il a également pu écrire « la thèse conspirationniste d’un régime hutu ayant planifié un « génocide » au Rwanda constitue l’une des plus grandes escroqueries du XXe siècle », « Soyons clairs, le conflit et les massacres du Rwanda n’ont rien à voir avec le génocide des Juifs ! » « Continuer à pérorer sur un hypothétique « plan de génocide » des Hutus ou une pseudo-opération de sauvetage des Tutsis par le FPR est une escroquerie, une imposture et une falsification de l’histoire » (dans son livre Rwanda, la vérité sur l’opération Turquoise).
- La stratégie de la manipulation des chiffres : « Qui l’a dit, qu’une très large majorité des victimes sont Tutsis ? » était son interrogation dans un débat face à Survie en 2017. Il ajoute à cela que des millions de morts auraient été causés par le Front Patriotique Rwandais (qui libéra le Rwanda du génocide) en République Démocratique du Congo. Un second génocide fantasmé, ayant pour but de totalement effacer le premier, bien réel.
- La thèse de l’attentat du 6 avril 1994 à imputer au Front Patriotique Rwandais, qui permet à la fois d’effacer le caractère planifié du génocide contre les Tutsi et d’invoquer une folie populaire soudaine, puis également d’accuser le FPR, puis « les Tutsi » victimes du génocide, par effet de rhétorique.
- La thèse de la négation d’éléments de complicité, notamment en rapport à l’Opération française Turquoise qui permit un passage sécurisé des forces génocidaires rwandaises et de leurs outils de propagande telle la Radio Télévisée libre des Milles Collines au Zaïre en lieu et place de l’arrestation attendue des cerveaux du génocide. Il est de ce fait bruyamment soutenu par l’association révisionniste des anciens militaires français au Rwanda France Turquoise, qui n’accepte aucune communication sur les responsabilités de la France.
Le dernier ouvrage de Charles Onana, Holocauste au Congo, l’omerta de la communauté internationale est préfacé par Charles Millon. Ancien Ministre français de la Défense, et député lors du génocide perpétré contre les Tutsi, ce dernier posa une question d’actualité au Parlement le 18 mai 1994, dont voici un extrait : « Face à l’offensive du Front patriotique rwandais, les troupes gouvernementales rwandaises se sont livrées à une élimination systématique de la population tutsi, ce qui a ensuite provoqué la généralisation des massacres… » usant de l’accusation en miroir, du retournement de responsabilités et de l’annulation de la planification du crime, il rejoint concrètement le camp des négationnistes.
Au sein de ce livre, Charles Onana revient sur une de ses idées fixes « le drame du Rwanda » – l’une des multiples appellations qu’il utilise pour ne jamais mentionner précisément le génocide des Tutsi – aurait été soigneusement pensé par les Tutsi et les Anglo-saxons pour « installer un dirigeant en mesure d’envahir le Congo et de s’emparer des richesses au profit des entreprises minières occidentales et des intérêts privés anglo-américains soutenus par certains dirigeants occidentaux ». Le génocide contre les Tutsi est présenté comme « un drame » dépolitisé, non planifié, ayant servi un bien plus grand et sombre dessin : l’envahissement et le contrôle du Zaire, mais plus largement de toute l’Afrique centrale par « les Tutsi », pour former un « empire nilotique ». On retrouve donc tout au long du livre le même fond idéologique qui a mené au génocide perpétré contre les Tutsi via la création d’un « protocole des sages de Sion » version Hutu Power diffusé dans toute la région des grands lacs dès les années 50. L’ouvrage est confus, complotiste et négationniste au-delà d’être de très basse qualité littéraire et argumentative.
Dans son chapitre nommé « le déploiement militaire anglo-américain au Rwanda », il invoque Eugène Rwamucyo comme argument d’autorité en appui à ses thèses, un présumé génocidaire visé par un mandat d’arrêt international et poursuivi en France pour génocide et crime contre l’humanité. Il est simplement présenté par Charles Onana comme « un rwandais, médecin ». Plus largement, il cite sans cesse les noms les plus populaires du négationnisme et de la haine anti-Tutsi : Justin Bitakwira, Stephen Smith, Robert Gersony, Pierre Péan, Bernard Debré. Il montre une affinité avec les groupes congolais ultra-meurtriers maï-maï dont il explique la mission essentielle pour lui de « se défendre des Rwandais ».
Charles Onana use d’un racisme biologique ferme et caractérisé dans de longues tirades concernant les populations ayant migré au Kivu depuis des dizaines voire des centaines d’années. Il tranche fermement sur l’illégitimité totale de ces populations à se revendiquer comme congolais. Dans la logique de cette idéologie, il se montre également antisémite. Malgré ces faits établis, Charles Onana semble échapper à la caractérisation de polémiste d’extrême droite du fait de ses origines camerounaises – de son ethnicité minorisée – et d’une posture de surplomb négrophobe des observateurs internationaux évaluant la situation géopolitique des Grands Lacs ainsi que leurs protagonistes tels une éternelle nuit civilisationnelle africaine.